Mes maîtres
Ce que je sais le mieux !
C'est d'abord, ce que j'ai deviné par ma seule intuition.
C'est ensuite, ce que j'ai appris par l'expérience des hommes et des choses de ma vie.
Puis, ce que j'ai appris, non dans les livres, mais par les livres: c'est à dire par les réflexions qu'ils ont fait naître en moi.
C'est enfin, ce que j'ai appris comme ça, avec des maîtres ...
WOODY GUTHRIE
Cet homme m'a surpris et m'a mis en chemin dans mon esprit et dans mes choix de vie.
J'ai vu écrit sur sa guitare "This machine kills fascists". J'ai entendu cette voix nasillarde chanter à l'infini des mélodies concues dans la rue, sur les routes, les toits des wagons avec les "hoboes". Des chansons coups de poing improvisées dans les camps des travailleurs itinérants. Des ballades nées dans les vents et les tempêtes de poussière qui asséchaient l'Amérique. Des chansons qui racontaient la vie de chacun: la vie des enfants, la vie des mineurs, des travailleurs du pétrole, des Chinois des Texans, des réfugiés, des cueilleurs de fruits.
Il était avec tous et pour tous et avait appris la force des mots et des chansons.
"La haine ne peut jamais commander"
ROBERT-LOUIS STEVENSON
Le voici qui marche. Il a peut-être vingt cinq ans. La verdoyante et légère vallée du Loing lui appartient. Ce jour, il a troqué son tricot rouge et ses bas rayés contre une chemise de flanelle d’un étrange bleu foncé presque noir. Un veston de tweed. Son pantalon de toile en partie couvert par des jambières de cuir, ondule autour de ses longues jambes de cigogne. Une sorte de bonnet comme une calotte indienne sur la tête. Le galon doré en est piteusement élimé. Il a tout à fait l’allure d’un trimardeur. Louche. Maigre. Ce vagabond des grands chemins avance joyeusement. Attentif au bourdonnement incessant des abeilles. Aux parfums entêtants des fleurs. Sans arrêt aux aguets des moindres signes de vie autour de lui. Il donne l’impression d’être suivi. Bien chez lui sous la voûte de ce ciel qui lui sert parfois de toiture pour ses nuits de chemineau.
Il a le pas léger, malgré le baluchon qu’il trimbale sur son dos. Dans sa tête flottent sans doute comme souvent des fragments de vers, des chansons improvisées... "Donnez-moi la vie que j'aime...
BOB DYLAN
Mon disquaire m’a glissé dans les mains un trente-trois tours, qui va bouleverser ma vie. Je ne suis pas le seul à recevoir une telle émotion. Je viens de rencontrer Bob Dylan. L’étrange photo de la pochette de Highway 61 Revisited, le regard énigmatique et angélique de l’homme, puis le son, la voix. Une musique et une façon nouvelle d’écrire des chansons.
Revenir en arrière. Trouver d’autres disques. Les précédents. C’est une histoire dans laquelle je me reconnais. Il me donne des envies. Il libère en moi des énergies. Il me fait entrevoir une part de mes mystères.
Il m’inspire. Il me parle, il me pose tant de questions.
- Dis-moi quel est ton chemin ?
- Dis-moi quelle est ta route ?
- Un chemin pour n’importe où ?
- Une route vers n’importe quoi ?
Toutes les routes m’intéressent, Monsieur Bob ! Toutes les tentations de partir. Tous les chemins vers les autres.